Nul besoin de rappeler à quel point la question des ressources est un enjeu majeur auquel la société contemporaine est confrontée. Ressources naturelles, énergétiques, mais aussi alimentaires. Conscient de la nécessité que pour évoluer dans un « monde fini » en termes de ressources, il est nécessaire de changer non seulement les pratiques, usages, mais également les modes de production. Ainsi nous nous sommes attachés à porter notre réflexion sur trois axes essentiels :
Celui de l’architecture, et plus spécifiquement du bâtiment. Nous le savons, aujourd’hui le bâtiment (la construction) représente environ 40 % des émissions de CO2 des pays développés, 37 % de la consommation d’énergie et 40 % des déchets produits. Ainsi c’est bien l’un des secteurs sur lesquels les actions immédiates sont importantes, autant au plan de la consommation énergétique, que pour le choix et les modalités d’utilisation des matériaux. De nombreux travaux redécouvrent des techniques ancestrales de construction, tel que le pisés, la construction en pierre, où l’utilisation de matériaux bio et géo sourcés. Ce projet s’inscrit donc en premier lieu sur cet axe de l’innovation constructive, mais également plastique et esthétique en s’attachant à potentialiser l’utilisation d’un matériau géo-sourcé dans une logique de valorisation des déchets.
L’architecture prend ainsi place en tant qu’expression de son territoire. Le projet propose la construction d’un pavillon expérimental dont un prototype sera réalisé et exposé au mois novembre 2022 sur le territoire de Marseillan.
Philippe Liveneau : Architecte & Professeur ENSAG
Amal Abu Daya : Architecte & Maître de conférence
Théo Marchal : Architecte & Maître de conférence
Celui de l’alimentation, car nous le savons là encore, l’un des défis du XXIe siècle est de savoir combiner des systèmes d’alimentation durable avec la préservation de l’environnement tout en assurant une alimentation saine à un nombre croissant de personnes. La préservation et la gestion durable des superficies agricoles, est déjà un axe sur lequel des dispositifs législatifs sont mis en œuvre. Notre travail va donc porter sur l’alimentation issue des espaces aquacoles, qui sont rarement en lien avec le monde de la construction et de l’architecture.
Nous nous attacherons à travailler dans le domaine de l’ostréiculture, œuvrant à la compréhension d’une production vertueuse, et respectueuse d’un milieu et paysage naturel autour de l’étang de Thau.
Celui des déchets qui constituent notre troisième axe de travail. Cette réflexion prend place en tant qu’outil de convergence entre les domaines de l’alimentation et de l’architecture. Dans chacun de ces deux domaines, la question des déchets, de leur valorisation dans une logique de réemploi à des fins de génération de ressources utilisables à faible coût est un enjeu stratégique. Nous faisons l’hypothèse qu’un champ exploratoire de formalisation de stratégies et de proposition de solutions expérimentales communes peut être concrétisé.
L’enjeu du projet sera ainsi de réaliser une expérimentation autour de la réutilisation des coquilles d’huîtres, ordinairement considérées comme des déchets, afin d’en changer le statut et de les transformer en matériau innovant pour l’architecture. L’ostréiculture en France représente environ 80 000 tonnes de production annuelle, la quantité de déchets (coquilles) générée varie de 10 à 20% en fonction des années et des mortalités. Ceci représente une ressource importante qui n’est que peu exploitée.
Il s’agira en particulier d’en éprouver les possibilités d’usage constructif pour la fabrication de parois, structurelles ou non, que cela se fasse par concassage, par assemblage, par intégration en fond de coffrages. La mobilisation de la coquille sera étudiée aussi bien au plan mécanique, que pour ces qualités esthétiques (biface plissée – nacrée) ou encore pour son potentiel morphogénétique par l’assemblage de ce « micro composant modulaire »
par répétition.
Il est important ici de comprendre que l’ancrage sur un site de production ostréicole local, à Marseillan, a pour objectif un élargissement national en regard des autres bassins de production, et plus largement au niveau européen et international (la consommation mondiale est de 4,7 millions de tonnes).
Le projet MedI-FAV vise à conjuguer l’innovation dans le secteur alimentaire par la réutilisation des éco-déchets et plus spécifiquement de l’ostréiculture à celui de l’architecture avec de nouvelles approches. Il se concrétise par la réalisation d’un pavillon prototype, constitué avec des coquilles d’huîtres qui sera construit sur le site de la Maison Tarbouriech, sur un espace ouvert à tous. Ce pavillon, sera ensuite présenté lors du Festival des Architectures Vives 2023.
Ce dispositif qui vise à décloisonner des pratiques grâce à l’expérimentation, mettra en avant les engagements des acteurs du territoire dans une démarche vertueuse envers les enjeux environnementaux.
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